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 Vaccination contre la Covid-19 en Afrique: De bien maigres espoirs

Pluts, 2022

Séance de vaccination contre la covid-19 au Tchad

Presqu’exactement 100 ans après la pandémie de la grippe espagnole, une autre pandémie frappe le monde. Une fois encore, comme pour 1918[1], les regards se sont tournés vers la Chine, comme il y a cent ans, pour en chercher l’origine. Cette fois ce n’est pas de Canton mais de la région de Wuhan et de son marché de fruits de mer que le fléau serait parti[2].  Avec plus 520 millions de cas et plus de 6 millions de décès dans le monde pour une pandémie commencée en 2019, le Coronavirus du type 2 (SRAS-CoV-2) aura marqué son temps. En mettant à l’arrêt l’activité économique et la vie sociale des 7 milliards d’humains et en suscitant divers comportements et innovations, la pandémie a causé de multiples effets dont certains restent encore à analyser [3].

Relativement épargnée, l’Afrique a tout de même connu des vagues avec une distribution géographique inégale. Initialement désignée comme le 2019- novel coronavirus (2019-nCoV) le 12 janvier 2020, la Covid-19, ainsi rebaptisée le 11 février 2020 par l’OMS, n’avait pas encore une année de reconnaissance que déjà la logistique mondiale était en branle pour les premières campagnes de vaccination. Cependant, si l’avènement des vaccins pouvait être célébré comme toute bonne nouvelle, beaucoup de choses restaient encore à faire au niveau des populations africaines autant sur la reconnaissance de la maladie, l’acceptation des moyens de sa prévention que pour l’engagement pour la vaccination.

Les polémiques sur la vaccination anti-covid-19 en Afrique ont pris plusieurs formes avant même que les vaccins ne soient disponibles. Des susceptibilités ont été exprimées et la polémique s’est exacerbée quand, répondant à une question tendancieuse de journalistes le 1er avril 2020, les scientifiques Camille Locht et Jean-Paul Mira ont admis l’hypothèse et la pertinence d’un test de vaccin BCG en Afrique lors d’un entretien sur LCI [4]. L’idée souleva une vague d’indignation venant autant de simples citoyens que d’illustres personnalités comme le Directeur Général de l’OMS. Les vaccins contre la Covid-19 naitront donc dans ce climat de méfiance et même de défiance augurant pour la vaccination contre la Covid-19 en Afrique des embuches perceptuelles qui sans aucun doute allaient affecter les programmes de vaccination. 

 

Les premières réactions à la Covid-19 ont été le déni de la maladie par les populations et ensuite la stigmatisation des personnes utilisant les services proposés dans le cadre de la réponse. À l’égard des vaccins, les récriminations les disaient non-efficaces, dangereux, pas pertinents, pas nécessaires. Ces vaccins étaient, selon certains, à mettre au titre des outils de contrôle des populations. De même, il se dégageait beaucoup de méfiance par rapport au discours officiel.Manifestement, la célérité dans la mise au point des vaccins a raffermi chez certains les susceptibilités qui ont toujours existées face aux vaccins et à la vaccination. L’information selon laquelle les nouveaux vaccins en cours d’évaluation, en pré-positionnement et en administration, procèderaient d’une technologie nouvelle de l’ingénierie vaccinale a transformé certaines méfiances en certitudes de dangerosité. La crainte principale soulevée est que la technologie utilisant l’ARN messager, cette dernière pourrait interagir avec et modifier l’ADN du receveur, et pourrait le transformer ainsi en humain génétiquement modifié. Les conséquences d’une telle démarche sur la santé seraient complètement méconnues.

            

Les perceptions semblent avoir évolué ; cependant, l’acceptation des vaccins n’a pas trop changé dans le bon sens. Au regard du cycle épidémiologique de la Covid-19 et plus spécifiquement de ses vagues aux virulences inégales, il est impossible et surtout hasardeux de considérer des populations comme naturellement protégées en dehors d’évidence d’immunité subie (maladie) ou conférée (vaccination)[5]. Dans ce contexte, la vaccination devient l’approche de protection la plus rassurante pour rompre la chaine de transmission, éviter le rapprochement des vagues et les effets néfastes de la pandémie. Comme nous l'avons déjà noté, à l’échelle individuelle, toutes les craintes sur la vaccination sont légitimes. Pour ce qui concerne les effets secondaires, le refus de la vaccination a la même valeur que son acceptation. La confiance en la vaccination ne peut venir de façon spontanée au regard de la méfiance, la désensibilisation et la désinformation sur les vaccins contre la COVID-19. Cette désinformation est faite non seulement à travers les réseaux sociaux mais surtout dans l’espace publique et dans les relations interpersonnelles. L’utilisation d’arguments sans fondement pour décourager la demande et les oppositions systématiques de principe sont les entraves les plus dommageables à la vaccination. Il y a un besoin de communication efficace, menée de façon continue avec des stratégies adaptées et si possible éprouvées. Cela peut nécessiter dans certains cas le développement de nouveaux curricula [6]. Seules de telles approches permettront de favoriser l’adhésion des populations en général à la vaccination et particulièrement la population cible en Afrique en vue d’atteindre les objectifs de couverture souhaités.

 

Les efforts consentis dans l’élaboration et la mise en œuvre de plans de riposte commencent à produire des effets même si les résultats sont encore loin des attentes. Beaucoup reste à faire pour atteindre l’objectif de la stratégie de la communauté mondiale de vacciner 70% de la population contre la COVID-19 à la date du 30 juin 2022. Si à la date du 15 juin 2022, 17 pays de la Région des Amériques ont atteint cet objectif [7] cela n’est pas le cas des pays en Afrique où l’atteinte du seuil critique de 10% de la série primaire de vaccination dans quelques pays est célébrée comme une victoire[8]. L’utilisation de l’introduction du vaccin contre la Covid-19 pour améliorer la vaccination de routine est une perspective à promouvoir. En effet profitant des sorties de vaccination, certaines équipes s’engagent dans le plaidoyer et la communication pour la vaccination des enfants. Ce fut le cas au Tchad où une équipe de l’Unicef, en collaboration avec les services de santé du pays a fait le choix de l’intégration. Ces acteurs ont fait de la sortie pour la vaccination une opportunité pour d’une part avancer l’agenda de l’immunisation contre la Covid-19 et d’autre part relancer la vaccination de routine qui était presqu’à l’arrêt dans certaines localités reculées. La Covid-19 a eu un impact assez négatif sur les services de vaccination et les services de santé de façon générale. Il est temps de profiter de l’effort pour la vaccination contre la Covid-19 pour reprendre et renforcer le travail des services de santé.

 

Citation suggérée:

Pluts (2022). Vaccination contre la Covid-19 en Afrique: De bien maigres espoirs. Plateforme d’utilisation des sciences.

 

[1] McGinnis J. P. D. (1977). The Impact of Epidemic Influenza: Canada, 1918-1919. Historical Papers / Communications historiques, 12(1), 120–140. https://doi.org/10.7202/030824ar

[2] Guo Y-R, Cao Q-D,, Hong Z-S,, Tan Y-Y.  et al. (2020). The origin, transmission and clinical therapies on coronavirus disease 2019 (COVID-19) outbreak – an update on the status. Military Medical Research, 7:11 https://doi.org/10.1186/s40779-020-00240-0.

[3] Barouki R., Kogevinas M., Audouze K. et al. (2021). The COVID-19 pandemic and global environmental change: Emerging research needs. Environment International, 146, 106272.

[4] RFI (2020). Test d'un vaccin en Afrique: le médecin et le chercheur présentent leurs excuses. https://www.rfi.fr/fr/france/20200404-test-vaccin-bcg-en-afrique-le-médecin-et-le-chercheur-français-présentent-leurs-excu.

[5] Randolph H. E. & Barreiro L. B. (2020). Herd Immunity: Understanding COVID-19. Immunity 52,737-741. https://doi.org/10.1016/j.immuni.2020.04.012.

[6] Wang H., Cleary P. D., Little J., Auffray C. (2020). Communicating in a public health crisis. The Lancet Digital Health 2(10) E503. https://doi.org/10.1016/ S2589-7500(20)30197-7

[7] OMS (2022). Objectif mondial de l’OMS concernant le taux de couverture vaccinale contre la COVID-19. https://www.paho.org/fr/nouvelles/24-6-2022-objectif-mondial-loms-concernant-le-taux-couverture-vaccinale-contre-covid-19.

[8] OMS (2022). La vaccination anti-COVID-19 en Afrique a augmenté de près de trois quarts en juin 2022. https://www.afro.who.int/fr/news/la-vaccination-anti-covid-19-en-afrique-augmente-de-pres-de-trois-quarts-en-juin-2022

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